Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/298

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Elle ouvrit le livre, le feuilleta en montrant les traces jaunies et respectées des doigts. Puis le respirant en fermant les yeux :

— Je crois le revoir, assis dans son fauteuil de paille, sa pipe fumante entre deux doigts de sa main si éloquente, si spirituelle. L’autre main tenait le livre qu’il commentait. Le parfum intellectuel de ces soirées est resté dans ces feuillets…

Les traits de Wolfran s’étaient durcis, ses yeux se rivaient à la méchante reliure de toile noire portant le titre en rouge : Le Servage, ou Traité de la condition des peuples régis.

Clara poursuivit :

— Moi-même j’y ai trouvé d’âpres joies et de la force.

Le roi tendit la main, Clara sans défiance lui passa le petit volume. À son tour, du bout de l’ongle, nerveusement, il fit s’épanouir les pages usées dans un feuillètement brusque.

Puis soudain :

— Il ne faut pas lire ce livre, mademoiselle Hersberg.

Elle tressaillit, poussa un soupir d’accablement, mais ne répondit rien.

— Il ne faut pas le lire, car vous n’y trouverez ni la sérénité, ni l’impassibilité, ni le sang-froid qu’exigent les œuvres de philosophie. Il fut écrit dans la fièvre et l’égarement. C’est le fruit d’un transport.

Et d’une de ses mains à l’autre le livre allait