Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/303

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« Il est revenu ! pensait-elle, il est revenu… »

Et cette idée soulevait dans son âme un tel tumulte qu’elle ne pouvait distinguer quel sentiment réel l’agitait. Elle ne voyait clairement qu’une chose : la paix si coûteuse, si péniblement conquise, dont elle jouissait depuis quelques semaines, depuis ce soir où elle avait définitivement abdiqué sa mentalité ancienne entre les mains de celui qui la dirigeait désormais, elle allait la perdre. Jusqu’à ce matin, libre, ne répondant que devant elle-même de ses pensées, elle se pénétrait sereinement de la foi nouvelle. Oui, elle croyait bon maintenant qu’une nation fût gouvernée, et qu’un seul être fût responsable de ses destinées, et que l’amélioration sociale se fit sans convulsion, selon les lois d’une évolution sage, et qu’une aristocratie subsistât, terrain de culture pour la beauté, l’art et l’idée. Le sentiment, qui sert de logique aux femmes et qui avait été la base de sa foi première, devint, par une transition facile, la base de la seconde. Et quand, heureusement parvenue au terme du grand voyage moral accompli entre les deux croyances contraires, elle se reposait dans une douce quiétude pleine de bien-être, voici que se dressait devant elle le témoin du passé, celui qui prétendait posséder aussi son âme.

Il revenait. Et que lui dirait-elle ? Fallait-il le désespérer en lui avouant sa désertion ? Mais c’était se séparer de lui totalement, lui ôter l’es-