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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/33

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quait pas ses souffrances, son travail, sa vie qu’elle donnait jour à jour, goutte à goutte, pour la plus haute prospérité de la richesse nationale ?

Toute la sensibilité de la savante s’était réveillée. La pitié pour les malheureux, une pitié philosophique, raisonnée et raisonneuse, était à peu près la seule manifestation de sa vie sentimentale, et c’était cependant une vie sentimentale ardente, tout en profondeur et en force. Clara désirait le soulagement, la fin de la misère, royalement, non de telle ou telle misère privée, selon l’ordinaire bonté féminine, mais du paupérisme, comme l’y portait la méthode de son esprit scientifique. Il y avait alors en Lithuanie une confédération collectiviste établie en société mi-secrète et qu’on nommait l’Union. Clara Hersberg en était une des colonnes, et c’est pourquoi, ce soir-là, elle s’en venait à la petite salle publique où le comité délibérait.

Ce fut dans une taverne d’aspect misérable qu’elle entra. Sept à huit tisseurs à mine d’alcooliques étaient assis sur des bancs devant la chope de bière ou le verre d’absinthe ; elle passa ; le patron du débit, sans mot dire, se leva en manches de chemise, lui ouvrit une porte. Elle se trouva dans la salle du conseil.

Des bancs y étaient rangés comme pour un prêche. De l’andrinople rouge drapait les murs à mi-hauteur. Et sur une estrade exhaussée de