Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/356

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ne peut naître. Tu n’as pas le droit de toucher à la vie de Wolfran.

Alors il la scruta, les yeux pleins d’une visible défiance :

— On t’a changée, là-bas, gronda-t-il sourdement, tu n’es plus toi ; il y a un an tu m’aurais encouragé.

Elle s’écria :

— Jamais ! et notre bon maître t’aurait maudit, s’il avait su que tu préparais un meurtre.

Ils se regardaient tous deux et se défiaient. Mais, une fois encore, Clara s’adoucit ; elle prit la main d’Ismaël, la pressa dans les siennes.

— Je te supplie… Rappelle-toi le jour où l’on m’amena à ton foyer ; j’étais un pauvre petit être perdu, un objet sans maître, la plus misérable chose. Vous avez eu pitié de moi, lui et toi. Ah ! que tu m’as entourée de tendresse ! je m’en souviens, va ! Non, je n’ai jamais été orpheline, j’ai été la plus choyée, la plus caressée, la plus aimée des enfants. Je n’oublie rien, Ismaël ; tout ce que je suis, je le dois à notre père commun et à toi. Mais si tu me refusais ce que je te demande ce soir, ce serait comme si tu écrasais en mon cœur tout le bien que tu m’as fait. Oh ! vois comme je te prie, comme je te supplie. Ismaël, ne tue pas !

Il répéta, en la dévisageant farouchement :

— On t’a changée là-bas. Pourquoi tiens-tu tant à la vie de cet homme ?

Elle balbutia :