Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/355

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Wolfran meure ! Tu as résolu de l’assassiner demain, et tu m’as appelée ce soir, comme une récompense anticipée…

— Mon amie, tu le sais, je ne suis pas méchant, il ne faut pas me méconnaître. Cet homme est un malfaiteur. De sa mort, naîtra un élan de l’humanité vers le bonheur ; c’est un grand devoir que j’accomplis. Je sais que je me condamne avec lui, mais il n’importe. Après moi, mon acte portera ses fruits…

Clara s’était reculée au fond de la pièce, la poitrine soulevée d’un souffle précipité, le visage convulsé, effrayante à voir. Elle ne put que prononcer ce seul mot :

— Misérable !

Lui s’acharnait à la convaincre. Il rappelait leur vieux maître persécuté, sa mort cruelle dans l’exil, il rappelait la misère du faubourg, les répressions qui avaient répondu à la manifestation de mars : et, revenant à sa manie scientifique, il parlait des abeilles et des fourmis et de l’être véritable, seul existant, qui est la collectivité. Mais Clara ne l’écoutait plus. Blême, illisible, elle contemplait dans l’espace un spectacle imaginaire, et elle tremblait, une sueur glacée trempait ses mains et son front. Un long moment se passa. Elle s’approcha d’Ismaël :

— Ismaël, prononça-t-elle d’une voix humble et caressante, à cause de moi que tu aimes, tu ne feras pas ce que tu dis. D’un crime rien de bon