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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/365

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— Va t’en.

— Mon pauvre Ismaël !

— Va-t’en, retourne à ton roi !

— Tu me chasses ! s’écria-t-elle.

À la porte, il la retint par les poignets, pour lui dire :

— Il mourra, tu sais.

L’indéfinissable, l’étrange regard qu’elle posa sur lui, en le quittant définitivement, le laissa perplexe. Il aurait voulu la rappeler. D’ailleurs il souffrait déjà du regret de l’avoir mortellement offensée. Il prononça faiblement :

— Clara !

Mais il était trop tard. Elle avait gagné la rue.

Dès qu’elle eut respiré l’air vif de ce soir d’automne, elle ferma les yeux, s’arrêta une seconde, eut une sensation d’ivresse, de bonheur infini. Et, de nouveau, elle se répéta : « Est-ce donc vrai que je l’aime ? »

Et la voix qui en elle répondait oui était si triomphante, si enivrante, si suave, si magnifique et si assurée, que Clara oubliait jusqu’à l’épouvantable conjoncture du moment présent.

Elle marchait au hasard, ne retrouvant son chemin que par un obscur instinct animal, ne songeant pas même à sa voiture laissée au portail de la cathédrale pour dépister la curiosité des subalternes. Elle se dirigeait aveuglément par un dédale de rues infectes avoisinant le port. Peu à peu, reprenant conscience, elle vit le mouvement