Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/366

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inusité qui commençait d’y naître. Par toutes les portes, les maisons puantes dégorgeaient leurs habitants, cette populace inférieure qu’on ne voit sortir de ses tandis qu’aux jours de fête ou de calamité. Tous se hâtaient, tous couraient au même but. Un peu plus loin, quand elle gagna les rues marchandes aux boutiques fermées, c’était encore la même animation, la même course d’une foule différente. Et lorsqu’elle aborda le quartier riche, les portes cochères des hôtels somptueux laissaient passer des élégantes en toilette de ville escortées de leurs maris ou de leurs pères, et qui, pressant le pas, achevaient de boutonner leurs gants sur le trottoir. Les carrefours, les places s’encombraient ; des cris, une rumeur allègre montaient de cette innombrable procession à l’ensemble magnifique. Clara le savait, c’était la marche de toute la cité vers le roi : cette foule venait une heure d’avance se ranger sur le parcours que suivrait la famille royale pour se rendre le soir à l’Hôtel de Ville. On apercevrait les souverains le temps d’un éclair, et c’était assez pour qu’on se ruât à leur passage.

Et Clara, portée par un enthousiasme autrement poignant, allait elle aussi à celui qui détenait le mystérieux prestige.

« Ce prestige puissant et menteur, pensait-elle, ce prestige qui aspire, dirait-on, les masses, les attire à lui, les captive, je l’ai subi. Je l’ai