Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/372

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veilles, ses idées. Il l’avait portée dans ses bras, admirée, servie, aimée. Il l’avait attendue dans une fidélité mystique ; il avait enduré sans se plaindre tous les délais qu’elle lui imposait ; il aurait rampé à ses genoux comme un chien et, au bout de trente ans, ce soir, elle l’avait trahi. Un tel mépris d’elle-même la remplissait alors, que le courage lui manquait pour bouger seulement un doigt. Wolfran aussi la méprisait, sûrement. Il devait la détester en cette minute, bien qu’elle l’eût sauvé, car il repoussait tout ce qui est abject. Et, comme elle pensait ainsi, ses mains tombèrent d’elles-mêmes sur ses genoux, et elle leva sur le prince un pauvre regard honteux, désespéré, le regard de qui a perdu une estime précieuse. Et ce regard croisa celui de Wolfran, mouillé de larmes.

Ils demeurèrent silencieux longtemps encore. Clara vivait des minutes ardentes, offrant la souffrance de son cœur à celui qu’elle aimait, pour qui elle serait morte, et qui devait bien le deviner maintenant… À la fin, elle prononça, et il y avait un triste et affectueux sourire sur son visage défait :

— Que Votre Majesté me jure qu’elle ne quittera pas le palais demain ; il le faut, je la supplie…

— Mais, mademoiselle Hersberg, dit le roi, demain je ne m’appartiens pas, je suis à mon peuple, il faut que je paraisse, qu’il me voie, que