Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/379

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soleil dardait d’aplomb sur les cuirasses, les aiguillettes, les casques, les galons, les gourmettes, la croupe luisante des chevaux.

« Si j’avais rêvé ! pensa Clara. Ai-je bien parlé ? Ismaël est-il bien enfermé ? Ne va-t-il pas surgir ? » Et il lui semblait qu’elle perdait la raison, que les petites gens du peuple qui l’entouraient la coudoyaient, la bousculaient, s’apercevaient de sa démence, la remarquaient.

Soudain, un soupir formidable sortit de la foule ; les portes colossales s’ouvrirent ; le brasillement des cierges apparut dans le fond obscur de la cathédrale. Les carrosses vinrent se ranger devant le portail. Des fanfares éclatèrent, se mêlèrent aux mélodies finissantes de l’orgue. Et le soupir de la foule durait toujours, un soupir sans fin, toujours croissant, gagnant les rues proches, la ville entière.

Le détachement de cavalerie partit le premier au bruit d’une sonnerie antique de trompettes, et aussitôt, encadrée de deux rangs de gardes blancs, la voiture de l’archiduchesse se mit à rouler sur le sable fin de la place. Wanda paraissait robuste et animée elle souriait au peuple, soulevant son voile pour mieux le caresser de son regard, pour l’embrasser tout entier, ainsi éployé sur son passage, et aussi dans un geste touchant de se laisser voir, de se montrer, de se faire aimer silencieusement par ces milliers d’yeux qui la dévoraient. Le duc Bertie saluait