Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/48

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petite maison blanche entourée d’un jardin. C’est là qu’il demeurait quand il n’était ni détenu, ni proscrit. Jamais on ne lui avait connu de compagne. Mais il avait élevé le petit Ismaël, le fils d’un frère, et comme il était lui-même savant chimiste, il s’était efforcé de lui inculquer cette science qu’adorent les révoltés. À dix ans, le neveu faisait avec l’oncle des réactions dans l’étroit laboratoire ouvert sur le jardin.

Un jour, un médecin de service à l’une des maternités d’Oldsburg parla au docteur Kosor d’une petite fille qui venait d’y naître et dont la mère, élégante et inconnue, morte peu après la naissance de l’enfant, avait pris de telles précautions que son identité n’avait pu être établie. Le révolutionnaire, qui approchait alors de la cinquantaine et dont la sensibilité s’aiguisait chaque jour davantage du fait de sa vie apostolique, ne résista pas à l’impulsion qui le poussait à prendre cette orpheline. Ses amis ne s’expliquèrent pas son acte. Il était pourtant très logique chez un être plein d’affectivités, qui n’avait jamais connu de tendresse féminine et qui entrevoyait, au déclin de son existence, la possibilité d’une paternité d’emprunt. L’homme mûr rêvait d’une Antigone pour ses vieux jours, et il adopta le nouveau-né fragile qui reçut le nom d’Hersberg, d’un village lithuanien voisin de la frontière russe.

Le petit Ismaël venait d’avoir dix ans. Déjà