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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/49

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grave comme l’homme qu’il copiait en tout, il s’associa à l’acte paternel. Une femme de service fut louée pour élever le bébé : le gamin la surveillait farouchement, berçait lui-même l’enfant, la comblait de soins, lui apprit à marcher. C’était, à ses yeux, une petite statue merveilleuse et délicate qu’il craignait toujours de briser.

La Lithuanie ne jouissait pas alors de la constitution libérale qu’elle devait recevoir de Wolfran V, au début du règne de ce prince. Pas de représentation nationale, une autocratie redoutable, nulle liberté de presse, le crime politique terriblement puni. Quand, pour avoir signé quelque factum trop virulent, le docteur Kosor devait se soumettre à ce qu’il appelait familièrement « une absence », le sérieux Ismaël travaillait seul à la maison et surveillait la fillette. Au bout de quelques mois, on voyait arriver au logis le maître, la barbe allongée, les cheveux blanchis, auréolé de son martyre ; ses enfants adoptifs couraient au-devant de lui dans le jardin ; il les caressait en pleurant. Ismaël était véritablement le fils de son esprit ; il le nourrissait de tendresse humanitaire et de science. Clara était la plus jolie enfant qu’on put voir, la plus gracieuse, la plus spirituelle. Le docteur vieillissant s’attendrissait à la trouver chaque jour plus charmante ; il l’imaginait à vingt ans, radieuse, instruite et belle. Ismaël en aurait trente, il aurait hérité son œuvre, il la mènerait à bien. Et Kosor, qui con-