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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/62

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« Il me semble que cela me brûle. »

Ainsi c’était ce jour-là que Clara avait gagné l’estime de Wolfran. « Quel honneur ! » pensait-elle, avec son ironie cruelle d’unioniste. Pendant une heure, à quelques mètres d’elle, on l’avait épiée, étudiée, dévisagée, on avait sondé son cerveau et son âme, et l’homme qui lui avait fait subir cet examen clandestin était l’incarnation de tout ce qu’elle détestait, c’était la clef de voûte de toute l’organisation économique à détruire. Elle lui avait plu. Il allait jusqu’à solliciter sa présence au palais. Il lui confiait sa fille. Il fallait, pensait Clara, traiter bien légèrement les convictions d’une femme comme elle, ne pas la prendre au sérieux. Et c’était ce qui la blessait. Ne comptait-elle donc pas dans l’Union qu’on la redoutait si peu dans l’autre clan ? « La Science n’a pas d’opinion. » Le mot devait être de Wolfran. Il était juste.

Mais il ne s’agissait pas seulement dans l’occasion de professer près d’une jeune Altesse : il fallait vivre au palais, transiger avec tous les principes libertaires, fraterniser avec les courtisans, s’incliner devant le monarque. Or il y avait son bon maître mort dans l’abominable exil, il y avait son fiancé persécuté, il y avait le peuple avec ses privations et l’iniquité de son état social, il y avait le grand rêve d’une humanité fraternelle, égale et heureuse. Et toutes ses idées l’habitaient, tressaillaient en elle, l’empê-