Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/71

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bouche et l’ombre de tes cils, à l’époque où je m’exténuais à surprendre ta pensée. Je te revois à mon retour d’exil. Oh ! que tu étais belle avec ta sombre et grave coiffure, ces voiles de tes cheveux entr’ouverts au-dessus de ton regard. L’humanité, qu’elle périsse de misère ! Il n’y a que toi, tu entends ? Tu m’as juré d’être ma femme, reste, aujourd’hui, l’heure est venue.

— Pas encore, dit-elle presque rude en s’arrachant de ses bras, comme si une épouvante lui venait d’avoir donné sa parole. Pas encore. La cause a besoin de toi, je n’ai pas le droit de te prendre.

Il la considéra une minute en silence, puis, redevenu ombrageux :

— Oh ! pardon, fit-il, je ne suis qu’un pauvre hère, j’oubliais… Qu’ai-je à t’offrir, moi, en dehors de mon adoration ? Ta science t’a comblée d’honneurs. La mienne ne m’a même pas donné de pain.

— Tu fus mon maître pourtant, dit Clara avec bonté, et tu es un grand génie, plein de divinations et de lumière.

— Ah ! prononça-t-il, désespéré, je ne suis rien, puisque je n’ai pas su me faire aimer de toi. Alors elle se récria tendrement. Mais si, elle l’aimait. N’était-il pas son affection unique, n’emplissait-il pas tout son cœur ? Voyait-elle dans l’avenir une autre perspective que celle de leur union ? Ne vivait-elle pas pour lui ? Mais elle était