Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/70

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m’use à construire la cité heureuse ; quand un plan demeure sans succès, j’en conçois un autre, et quand je les offre, l’humanité les repousse. Je souffre, Clara !

Elle murmurait à son oreille :

— Courage les frères souffrent encore plus que toi. La misère empoisonne jusqu’à leur amour. Les petits enfants ont faim et froid. La tuberculose décime les adolescents. L’homme ne connaît aucun des charmes de la vie. Les vieillards sont comparables à des bêtes usées qu’on est impatient de voir mourir. Il y a des gens gorgés de luxe et des millions d’autres que leur affreux labeur ne nourrit même pas. Tu seras l’artisan de l’égalité et de la justice.

Il reprenait :

— Je n’ai plus de courage, je n’ai plus que ton amour, je ne t’ai jamais tant aimée. L’humanité est lointaine, elle est anonyme : Mes frères ? Je leur suis inconnu. Tandis que toi, tu es là ; je sens tes mains dans les miennes. Clara, je t’ai tenue naissante dans mes bras. Tu m’as émerveillé avant même de me connaître. Toute ta jeune vie avec ses phases les plus exquises m’est présente en même temps. Ton développement a charmé mon adolescence. Je t’aime à tous les âges, car je t’ai toujours admirée. Je revois tes bras nus délicats et potelés, je te vois petite fille aux boucles brunes plus mystérieuse encore qu’à présent. Je te vois à quinze ans, et le pli de ta