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Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/15

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noir, qui semblait avoir pour chacun une intention aimable. En réalité, elle se riait à elle-même ; elle riait aux pièces d’or, jetées en vrac dans sa petite sacoche, tout à l’heure, aux guichets du pari mutuel et qu’elle sentait peser lourdement sur sa hanche fine. Cette sorte d’impudeur des joueuses hallucinées qui n’ont pas conscience de leur folie, qui ne se savent même pas en dehors de la vie, elle l’avait, malgré son aspect correct. Elle n’aurait parlé que chevaux, performances, pedigrees, jockeys, écuries ou pistes, sans penser même que, pour ses amis, il pût y avoir d’autres sujets d’intérêt.

Augustin Muzard la disséquait du regard, curieusement, tout en fumant sa pipe en silence.

Le mari conservait plus de discrétion, au milieu des faveurs de la chance. Néanmoins, lui non plus, ne put tenir sa langue, et Muzard, maintenant, s’amusait à entendre ce gros garçon chauve, légèrement sourd et assez balourd, conter en s’asseyant à une table voisine les péripéties de la course de ce a sacré Ibaldi », trottant d’abord cinquième, puis à chaque tournant rattrapant une distance. Et devant ses yeux bleus béats, on sentait s’étendre encore l’immense pelouse piétinée, cernée de sa piste ; quelques arbres rares s’élevaient dans le lointain ; au fond, le donjon de Vincennes se dorait au soleil couchant d’automne, cependant qu’une foule hurlante se mouvait doucement en rond, aimantée par quinze petites