Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/32

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caisse qui me donne un prestige secret près de Ninette. Songe donc, ce serait si commode, un ami qui manie l’or à pleins doigts, à qui l’on pourrait faire, en toute honnêteté d’intention, s’entend, de petits emprunts ! Je suis une puissance, moi, pour Ninette. Alors, alors, est-ce qu’on sait ? est-ce qu’on peut répondre de soi ? imagines-tu ce comble que moi, qui n’ai jamais aimé une femme, qui me suis méfié même de celles dont on dit le plus de bien, à qui l’on prête le plus de noblesse, celles qui font, soi-disant, les grandes épouses, j’en vienne à me laisser rouler par une Ninette Cosquard ? Et cela s’est vu. Ma force apparente me met en état d’infériorité. Je suis très seul. Parfois je m’embête. Je serais capable de la prendre au sérieux… Non, non, pas même une liaison de huit jours !

Et il saisissait à pleines mains sa barbiche rousse qu’il tordait, ce qui était son geste dans les instants où il s’approuvait lui-même complètement et à coup sûr.

— Tu n’as que vingt-neuf ans, dit Jean Solème avec mélancolie ; tu seras bien pincé, toi aussi, un jour ou l’autre.

— Allons donc ! répliqua le jeune homme, j’ai cent ans !

Et il regardait son ami de ses yeux dilatés, comme chargés d’une vie déjà longue, des yeux qui avaient vu trop de pays, trop d’hommes, trop de choses.