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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/113

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murs et de pousser des cris de rage. Il aurait voulu rentrer dans le passé, pour revivre avec moins de négligence et d’incurie. Que de choses il aurait pu tenter, pour arrêter à temps l’envahissement du bacille ! Quelle thérapeutique désespérée un autre aurait essayée ! Et en y songeant il se répétait :

— Tu la perdras, Henriette, tu la perdras et ce sera ta faute !

Il se sentait un être amoindri et ignoble. Il faisait dans l’appartement des marches désordonnées ; il était fou.

Il vit quatre heures, s’enveloppa d’un caoutchouc et sortit sous l’averse que le temps n’apaisait point. L’idée de cette potion nécessaire le pressait encore moins que le besoin d’agir, de se mêler au cœur même de ce chaos, d’être roulé dans la tempête, ruisselant de pluie, et de vibrer dans la rue avec les choses, aux secousses du fracas de la foudre. Et il marchait, courbé, de lourds paquets d’eau plaquant sur ses épaules de beau garçon les plis de son vêtement, ayant l’impression que c’était son chagrin qui gémissait dans l’univers. C’était un orage terrible, de ceux que, des années entières, les habitants d’une ville se rappellent, qui leur servent à dater leurs souvenirs. Sur le boulevard, Tisserel vit un platane géant brisé ; dans la rue, un réverbère couché à terre, et de temps à autre, dans les nuages, le coq d’or de la flèche étincelait, touché de la foudre. Tisserel ne souhaitait que plus de ravages, plus de bruit et plus de détresse. Collé à ses jambes, le caoutchouc lui versait de minces rigoles de pluie.