Page:Yver - Les Cervelines.djvu/124

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sans répondre ; l’impression des pronostics opérait en elle ; elle travaillait encore son sentiment sur ce cas, et son esprit en était trop pris pour qu’elle pût être distraite.

— Vous m’avez trouvé quelque chose de bien grave ? réitéra la voix navrée d’Henriette.

— Grave ? mais non, mademoiselle, dit-elle gauchement, j’ai bon espoir de vous guérir.

Et l’on voyait si bien qu’elle mentait, qu’Henriette se sentit reprise d’une angoisse physique pareille à celle de la nuit, quand le sang lui était monté aux lèvres. Tisserel regardait Jeanne désespérément.

— Il faudra bien écouter le docteur, continua-t-elle ; il va vous mettre, je pense, à un régime sérieux. Il vous faut beaucoup de repos, et vivre à l’air perpétuellement.

Elle ne sut trouver ni le sourire d’artifice du médecin exercé près du malade, ni la phrase gaie qui le trompe et le console. Une autre femme l’aurait pu, mais non pas elle ; c’était là une habileté professionnelle que devait lui suggérer plus tard une longue pratique de la clientèle, mais non pas aujourd’hui, son cœur. Elle alla devant la glace remettre son chapeau, si préoccupée qu’elle ne vit ni les cretonnes à fond blanc, semées de Daphnis et de Chloés roses, qui la drapaient, ni la pendulette d’or, ni les sièges blancs aux coussins d’indiennes claires parés de petits rubans, ni tout ce qui faisait de cette chambre quelque chose de pur et de joyeux. Le travail de pensée se continuait toujours en elle.

Quand ils furent seuls, elle et Tisserel dans l’escalier, il lui demanda :