Page:Yver - Les Cervelines.djvu/142

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cher la Cerveline ? Quelle curiosité ridicule le lancinait depuis quelques jours, jusqu’à lui faire dire à Jeanne Bœrk, ce matin :

— Je voudrais bien connaître mademoiselle Rhonans.

— Venez donc avec moi la voir, avait répondu Jeanne familièrement.

Quelle irréflexion dans son acte inexpliqué d’avoir suivi la jeune interne sur ce mot.

— Vous me faites un grand honneur, mademoiselle, en voulant bien me recevoir, balbutiait-il, oubliant l’assurance que l’exercice de sa profession lui avait peu à peu inculquée. Mademoiselle Bœrk sait quelle admiration profonde j’ai pour votre talent.

Cette phrase lui sembla soudain d’une sottise extrême, et il se sentit rougir pour l’avoir prononcée. Il avait à sa droite la belle Jeanne Bœrk, dont la taille se dressait svelte dans l’ampleur du fauteuil ; à sa gauche, Marceline en noir, un col blanc étroit enserrant le cou ; il voyait ses cheveux crépelés, ses yeux malicieux et doux franchement ouverts sur lui, avec la naïveté de regard des gens de science, sa bouche longue et fermée où dormait une si tranquille énergie. Et il se disait mentalement : « Oh phénomène, phénomène ! sur quel ton te parler ! »

— Mon talent ! se mit-elle à dire, lequel ? Combien de simples maîtresses d’école me surpassent dans l’art d’enseigner !

— Vous avez un outil rare, l’éloquence, interrompit Cécile.

— Non ; mon cas es tort simple, dit-elle, riant