Page:Yver - Les Cervelines.djvu/144

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la gênait toujours. Elle entendit Marceline demander :

— Vous êtes monsieur, l’ami du docteur Tisserel, dites-moi donc comment se trouve sa sœur qui était souffrante ?

— Sa sœur ! s’écria Jeanne. Ah ! ma chère, vous portez encore le deuil de Louis XVI, mais il y a longtemps que la petite Tisserel est partie ; la voilà installée à Menton pour l’hiver, et j’en suis fort aise, car j’étais très ennuyée d’avoir consenti à la voir.

— Vous ne m’aviez pas dit cela, Jeanne, interrompit Marceline.

— Je n’y ai pas pensé, fit-elle, indifférente.

Puis elle ajouta, par contraste :

— Elle est perdue !

Jean tressaillit et la regarda :

— Croyez-vous ? demanda-t-il d’un ton si vif que Marceline y vit l’anxiété.

Et Jeanne ne répondit que par un mot, un mot de métier qui était entre eux, gens de médecine, presque à clé, et qu’elle dit un doigt levé pour en signifier mieux tous les sous-entendus et la portée sans limites :

— L’analyse !

Il y réfléchit, les préoccupations de sa sotte affaire matrimoniale avaient pris tout le mois, et il n’était pas allé voir Tisserel chez lui une seule fois. Dans leurs rencontres fortuites, le malheureux frère d’Henriette mettait une rouerie douloureuse à cacher l’état de sa sœur ; il imaginait des améliorations fictives, il atténuait les signes, il disait : « Elle va mieux », quand au contraire elle s’en allait de jour en jour, mangée vive par