Page:Yver - Les Cervelines.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et sur lui. Il n’avait pas le droit d’agir comme il l’a fait.

Il était outré ; il s’emporta, se leva, frappa du poing sur la table. La redingote déboutonnée laissait voir, à la lueur pâle de la bougie, un grand pan de plastron lustré ; son haut de forme posait en arrière, son lorgnon tombé battait le gilet, ses yeux de myope clignaient de colère, sa main torturait sa barbe. Il alla jusqu’aux injures, jusqu’aux gros mots pour invectiver le vieil homme, et il affirmait toujours que rien ne le retiendrait, rien.

Puis, se souvenant tout à coup que ce soir, il avait fêté avec les autres le rival de Jean, il lui confessa cette faiblesse ; il était exalté et attendri, ; il parla de Jeanne, des ennuis qu’elle avait eus à subir, de l’intuition qui l’avait conduit à être présent, lui, à ce souper où elle ne comptait que des hostiles, et comme bien lui en avait pris.

— C’est honteux de traiter une femme comme ils l’ont traitée !

Il s’ingéniait à la faire plaindre par Cécile qui la jugeait toujours durement, qui ne l’aimait pas ; et il fut tout à coup stupéfait de l’entendre dire :

— Pauvre petite !

— Tu trouves aussi, n’est-ce pas, continua-t-il triomphant, tu trouves que…

— Que les hommes sont des brutes de s’acharner après ces créatures d’intelligence, parce qu’elles ont cessé d’être… ce qu’ils auraient voulu. Alors, quoi ? Sont-elles notre propriété ? N’ont-elles pas le droit d’être ce qu’elles veulent, des penseuses ou des amoureuses à leur gré, sans que nous puissions y trouver à redire ? N’ont-elles pas