Page:Yver - Les Cervelines.djvu/171

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le devoir de vivre même, et de se créer leur place au soleil au même titre que nous ? La femme naît libre, après tout, comme l’homme ; il n’existe pas, d’elle à lui, de redevance.

— Évidemment, faisait Tisserel.

— Et si elle doit compter sur elle seule dans l’existence, c’est l’homme qui en est cause. On n’aime plus les femmes.

— C’est positif, soupirait Tisserel.

— Il faut les aimer pourtant, même celles-là. Les unes comme des maîtresses, les autres comme des sœurs, mais toutes. On aime bien les enfants en bloc : l’Enfant. Ce sont de grandes enfants. Il y en a de prodiges, durcies d’orgueil. Il faut vaincre les orgueilleuses à force de les chérir, et les aimer, même invincibles, car on peut encore trouver en elles un ami. Mais les haïr, pourquoi ?… pourquoi ?

— Oui, pourquoi ! répétait Tisserel, ébloui par ce verbe tendre qui trouvait en son esprit amoureux des échos agrandis.

— Et les persécuter, c’est odieux !

Jean Cécile avait fait apporter des liqueurs ; ils fumèrent et burent jusqu’à une heure avancée de la nuit, dans cette chambre de garçon, épuisant, à causer, ce sujet qui leur était à chacun secrètement cher ; la lueur des bougies perçait à peine le nuage de tabac.