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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/196

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et on la voyait blêmir sous le treillis de soie de la voilette. L’air vif de la cour avait rougi les joues de Jeanne, la blouse échancrée laissait voir un corsage léger. Elle ignorait le froid, et sa vigoureuse santé aimait comme un bien-être le souffle de l’hiver ; les deux mains à droite et à gauche posant au matelas, elle commença de raconter son aventure avec d’Ouglas et ses griefs contre son chef de service. Marceline l’arrêta.

— Ne dites pas de mal de votre maître Tisserel, Jeanne, c’est pénible à entendre ; il vous aime tant !

— Trop, ma chère ; il n’est pas permis d’aimer bêtement à ce point une femme qui ne vous le rend pas !

— Et pourquoi ne l’aimez-vous pas ?

Jeanne leva vers son amie ses grands yeux froidement étonnés :

— Pourquoi n’aimez-vous pas les plats d’oignons sautés, vous ?

EL elles rirent toutes deux sans pouvoir s’en retenir.

— Voyons, dites-moi, reprit Marceline, cela ne vous touche pas un peu, dans le fond de votre cœur, l’amour de cet homme qui ne pense qu’à vous ?

— Non.

— Vous n’avez pas un peu de regret de le faire souffrir ?

— Pourquoi s’entête-t-il à vouloir ce qu’il ne peut avoir ? Je n’ai jamais été coquette avec lui ; je ne l’ai jamais encouragé, bien au contraire ; quand ses allusions, ses ombres d’aveu ont été trop claires, je lui ai montré fort ouvertement