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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/197

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que je ne voulais pas comprendre. Que pouvais-je faire ? montrez-moi en quoi j’ai eu tort ?

— Vous avez, il me semble, prononça en hésitant mademoiselle Rhonans, vous avez un petit tort qui est au fond de vous-même, invisible et puissant comme une goutte d’essence dans un verre d’eau et dont tous vos actes s’imprègnent. Ma chérie, pardonnez-moi de vous parler ainsi, vous avez au fond de votre âme une goutte d’essence d’orgueil, et vous ne dites pas un mot, vous ne faites pas un geste qui ne laisse passer, qui n’emporte de vous un parfum secret d’arrogance. Vous rayonnez la fierté ; il y avait un mot autrefois qui réalise tout à fait, me semble-t-il, votre belle personne de femme et votre royale intelligence : la superbe. Vous avez trop de santé, trop de gaîté, trop de sapience, trop d’éclat de statue et trop de feu cérébral. Vous avez en vous tant d’opulence que vous vivez sur votre propre fonds, sans nul besoin des autres.

Elle avait eu beau envelopper de flatteries son reproche, elle vit les traits de Jeanne durcis d’une espèce de colère retenue. L’étudiante n’avait jamais eu d’autres maîtres que des médecins : ceux-ci n’avaient même pas eu à blâmer le magnifique travail qu’elle fournissait sous leurs yeux. Elle ignorait la critique, elle ne pouvait la supporter.

Marceline essaya de l’attendrir.

— Vous n’avez jamais pensé qu’il pourrait venir on jour, dans votre vie, un être dont l’attrait serait plus fort que tout, pour qui vous quitteriez le reste avec une jouissance complète ? Tisserel est bon et doux ; il se serait plié à vos goûts, à