Page:Yver - Les Cervelines.djvu/203

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homme beaucoup plus âgé qu’eux. Pour l’adieu, sur le seuil de son cabinet d’étude, ils lui allongeaient au bout de leurs grands bras musclés de silencieuses poignées de main anglaises qui ébranlaient sa frêle personne, quand elle aperçut debout, près du piano, dans le salon, Jean Cécile qui l’attendait.

— Eh bien ? lui demanda-t-il anxieusement quand ils furent seuls, eh bien ?

— Eh bien ! monsieur, répondit-elle très positive et décidée désormais, j’ai vu Jeanne Bœrk et je vous jure que j’ai poussé l’éloquence à ses extrêmes limites ; mais comme je le pensais, elle ne veut pas, elle ne peut pas agréer les sentiments de monsieur Tisserel. L’impossibilité même en est si évidente que je m’étonne d’avoir mis mes efforts à l’encontre d’une chose si simple. Jeanne mène la vie la plus agréable…

— Tisserel la trouve fort à plaindre, harcelée comme elle l’est par tous ses camarades. Il en souffre pour elle…

— Il en souffre plus qu’elle, allez ! Jeanne est une solide nature qui ne s’embarrasse pas de puérilités. Elle possède le bonheur. Écoutez-moi bien, docteur, je vais vous dire ici quelque chose d’absolu et de vrai : l’état d’âme clair et simple, sans complexité, de ma belle amie, d’où vous concluerez vous-même, naturellement, à l’impossibilité de notre intervention pour y rien changer. Elle est heureuse : elle a établi son esprit dans un état de contentement permanent, elle exerce toutes ses facultés d’après leur tendance qui est le travail scientifique. La médecine lui procure des jouissances que vous avez dû connaître, mais