Page:Yver - Les Cervelines.djvu/208

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à répondre de ses actes. Il aurait voulu lui dire :

— Ne faites pas ce qui me déplaît.

— Venez voir quelque chose, docteur, appela-t-elle, en abattant du petit doigt la cendre dans une coupe ; venez voir.

Il y avait sur la table où elle s’appuyait un album de photographies qu’elle ouvrit et feuilleta lentement devant lui. Par petits ovales sombres dans le blanc des pages, à la volée, une multitude de visages passèrent à ses yeux, jaunis, troublés, démodés. Elle le maintint ouvert à une page plus fraîche où des figures jeunes apparurent.

— Voici mes amies d’enfance, dit-elle. À l’époque de leur mariage, elles m’offraient toutes leur photographie avec celle du fiancé, selon l’usage. Celle-ci s’appelait Thérèse : voyez ses yeux vifs et volontaires ; elle avait dix-huit ans ; l’officier qui lui fait pendant, et qu’elle a épousé, l’avait connue au bal ; de part et d’autre, ç’avait été le coup de foudre ; la décision du mariage restait en suspens cependant ; les parents s’y refusaient. J’étais sa confidente. Vous n’imaginez pas les ruses, les bassesses, les machinations sournoises de cette petite fille, jusque-là fort loyale et droite, pour retrouver de-ci de-là l’objet de ses rêves. Ce fut une vie de tours de force. Elle me disait pour toute excuse : « Je l’adore ! » Ils s’écrivaient des lettres clandestines, qu’elle me montrait quelquefois. Le jeune homme n’y parlait que de mourir d’amour. À la fin, c’est l’insoutenable volonté de Thérèse qui l’a emporté… Voici l’une de mes jeunes cousines. Pour celle-ci, l’histoire fut du dernier romanesque : c’était une tête chaude