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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/209

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et originale ; une méridionale accomplie. Le fiancé que vous voyez ici, et qui était un charmant homme dans le monde, avait une réputation terrible d’emportements. À sa première demande, la famille opposa un refus formel, et selon l’usage antique, on mit au couvent pour une année la petite personne éplorée. Par malheur, il y avait là une belle-mère dont l’imagination exaltée faisait avec l’amoureux exaspéré et la petite recluse, un trio complet. Celle-ci n’était pas depuis six semaines au monastère qu’elle escaladait une fenêtre de parloir ; imaginez-vous cela, un enlèvement en règle, à notre époque, un roman espagnol ! Le moyen âge ! La belle-mère prêtant sa calèche pour la circonstance ! Il paraît que ni l’un ni l’autre des fiancés n’aurait survécu à la séparation… Le contrat fut signé sur-le-champ, bien entendu… Voici la jolie Marguerite, qu’on appelait « Souris », tant elle était vive et drôlette ; elle n’est pas reconnaissable ici, sérieuse et triste comme vous la voyez. Elle avait pris l’amour au tragique ; le jeune homme, qui écrivait un peu, lui adressait des poésies assez réussies ; elles transformèrent en rêveuse mystique la petite écervelée. Les fiançailles furent longues. L’exaltation passionnée vibrait à la corde la plus haute, la plus tendue : c’était un poème vivant que ces deux jeunes gens. À cette même époque, Berthe que voici s’enthousiasma d’un clerc de l’étude de son père, un jeune paysan sans nul mérite. comme il doit vous paraître ici, rien qu’au nœud de sa cravate et à la raie mal portée de ses cheveux. On s’étonne et s’indigne d’abord ; puis l’amour réciproque est tel qu’on célèbre le ma-