Page:Yver - Les Cervelines.djvu/219

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son métier tout droit sans ruses ni dessous ridicules. Je déteste l’amour, que je trouve niais ; mais surtout ses petitesses, les mensonges auxquels il plie les femmes. Je suis au-dessus de cela, et j’en suis orgueilleuse.

Un rayon de soleil de décembre, entre deux nuages, filtra en cette minute dans le linon blanc des rideaux et vint sur elle. Elle resplendit. Il y eut positivement un éclat de noblesse farouche en cette superbe fille cérébrale, affirmant ainsi sa quiétude d’âme que ne troublait nulle imagination ni désordre sensuel. C’était telle que Tisserel l’aimait. Il ne pensait plus guère alors à la pauvre Henriette !… Jeanne était outragée et tremblait de colère ; Paul recevait dans tout son être le suprême assaut de l’amour ; la fièvre en croissait en lui par ressauts de feu.

— Il ne vous est pas permis, prononça-t-il à la fin, de me faire souffrir à ce point.

— La raison, reprit-elle doucement, doit être en nous plus forte que tout. Sommes-nous, oui ou non, les maîtres de nous-mêmes ? Si nous savions bien diriger notre barque, sans souci de certains caprices, nous serions capables de nous créer une belle et heureuse-existence. La philosophie, docteur, ne doit pas être étrangère à l’aiguillage de notre vie ; je parle de la philosophie pratique et rudimentaire que, sans livre, on possède en soi. Pour moi, cette philosophie.

Elle n’acheva pas ; les yeux terribles, le front fou, tout crispé, Tisserel exaspéré de colère la regardait :

— Taisez-vous ! bégaya-t-il en étouffant, taisez-vous