Page:Yver - Les Cervelines.djvu/221

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se briser ici tout à l’heure, dans une scène suprême. Elle voyait l’ami de Cécile, les traits ravagés, reculer vers le fond de la chambre ; elle voyait Jeanne, blême et défaite, créature nouvelle révélant pour la première fois comme une faiblesse de femme et qu’elle reconnaissait à peine. Elle hésita. Aucun des trois ne parlait. Ce fut une minute pénible, chargée de confusion, interminable.

— Je reviendrai, dit-elle, en rebroussant chemin vers la porte.

Jeanne Bœrk l’aurait laissée partir ; son orgueil souffrait de montrer à son amie ce qu’elle avait enduré. Mais Tisserel eut comme un accès de sympathie désespérée vers cette autre femme qui était chère à Jeanne et qui, Cécile le lui avait dit, s’était montrée bonne pour lui. Il vint à elle.

— Non, restez, lui dit-il ; il faut que vous restiez ; c’est un heureux hasard qui vous envoie.

— Il n’y a pas de hasard, fit gravement la religieuse Rhonans, il y a une Intelligence, une Volonté mystérieuse qui nous conduit.

— Nous avons besoin de vous ; elle a besoin de vous et moi aussi, disait-il.

Il avait en effet d’elle un besoin affectueux que connaissent, envers les amies de celles qu’ils aiment, tous les hommes.

— Vous savez tout ! confessa-t-il très bas.

Mais Jeanne mit le holà à cette confidence.

— Un grand chagrin atteint le docteur, dit-elle froidement. Mademoiselle Tisserel doit être plus mal, une dépêche demande d’aller la chercher immédiatement là-bas.