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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/237

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dresses, que de chansons ! Vivre seule et sédentaire, c’était trop. Quand viendrait pour elle la période de sa grande exploration vers le passé ? Pour quand son voyage ?

Elle avait à peine effleuré les mets servis ; elle remonta au petit salon. En regardant le bois s’éteindre au feu, elle se sentit des larmes dans les yeux.

Alors, d’un effort se ressaisissant, elle prit une décision grave. Elle avait à Paris un vieil ami de son père, ancien professeur de Faculté, membre de l’Institut et fort influent dans cette sphère où il s’occupait d’elle. Elle lui écrivit le soir même de ce premier janvier, lui demandant si les voyages qu’elle avait toujours rêvé de faire en préparation de son histoire de l’antiquité ne pourraient pas affecter la forme d’une mission universitaire dont elle serait chargée au nom du département de l’Instruction publique. Elle répugnait d’ordinaire à demander une faveur, et cette lettre était peut-être le seul exemple d’une chose qui, dans ses actes, ressemblât à une supplique. Mais c’était encore là une face de sa force qui accomplissait, sans de trop minutieux scrupules, le grand programme de sa vie. L’ennui dont elle se sentait la proie depuis quelque temps lui avait trop causé cette peur que donne aux gens sains la maladie. Son énergie luttait.

Le vieil homme demeura plusieurs jours sans répondre. Elle perdit l’espoir de réussir, et gagna par contre cette blessure d’amour-propre d’avoir sollicité une impossibilité. Elle voulut faire une cure de travail, et préparer plus soigneusement que jamais sa conférence d’ouverture des cours