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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/238

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publics sur la Grèce. Elle fit dans la bibliothèque de Briois, qui tenait une partie du musée de peinture, des pauses qui se prolongèrent des journées entières. Une frénésie laborieuse la possédait. Elle avait le cerveau en feu. Après avoir lu tout ce que les rayons municipaux possédaient sur son sujet, elle écrivit en une nuit sa conférence, qu’elle n’avait jamais sentie si piquante et si renseignée à la fois. Elle y avait eu des mots d’esprit et une philosophie, majestueuse en son fond, qui s’offrait badinement, car cette aimable mentalité de femme transformait et allégeait toujours, à l’usage de ses auditeurs, les bases lourdes de la grande Pensée.

— Le repos ne me vaut rien, se disait-elle, c’est dans le travail que je m’alimente ; que Dieu veuille toujours me mener comme un cheval qu’on harcèle, fouette et éperonne, pour qu’il ne s’arrête jamais.

Et si quelqu’un l’avait entendue, frêle de forme comme elle était, avec la finesse féminine de son cerveau qui était sa caractéristique, formuler cette comparaison, si saisissante pourtant, avec la plus puissante des bêtes de somme, il aurait ri sans comprendre. C’était vrai. Il y avait dans sa destinée quelque chose d’austère et de terrible, une loi implacable. On l’aurait bien saisi en ces jours-là à la voir étouffer sa mélancolie sous l’amas des idées, des réflexions, des recherches, des abstractions qu’elle entassait à plaisir, à profusion, comme un trompe-la-faim, sur les besoins inavoués de son âme.

Et ce fut ainsi armée qu’elle reparut pour la première fois de l’année à l’Hôtel des Sciences.