Page:Yver - Les Cervelines.djvu/249

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dans l’intimité de son cabinet de travail. Elle le vit regarder longuement la table où s’accomplissait le mystère de son grand labeur quotidien, les rayons de bois blanc chargés de livres, le buste de Michelet là-bas, éclairé par la lampe qu’elle avait repoussée jusque-là…

— Mon pauvre camarade est bien malheureux, disait-il, mais non point par ce que vous pensez. Mademoiselle Tisserel est revenue à Briois ; son état inspirait de telles inquiétudes, qu’il a dû aller la reprendre là-bas. Vous imaginez ce voyage, auprès de cette mourante ! Il m’a écrit d’aller le voir. Je l’ai trouvé horriblement déprimé.

— Vous savez, interrompit-elle, que Jeanne…

— Je sais le coup d’État, dit-il. En ville la rumeur publique me l’avait appris, et ce que nous connaissons de sa vie me l’a fait comprendre. Elle fuit Tisserel ; elle fait bien ; il commençait à la haïr. À l’hôpital des Enfants, il ne la verra plus.

Marceline ne répondit pas. Elle revivait la scène qu’elle avait eue sous les yeux. Elle était trop discrète pour en rien dire, mais Cécile devait être instruit de tout, car il la devina.

— Tisserel m’a parlé de vous, mademoiselle, fit-il avec une intonation nouvelle plus grave, plus émue, qui fut pour Marceline l’équivalent du plus tendre aveu ; il m’a dit ce que vous avez été pour lui délicate et bonne. C’est vous, je ne sais comment, qui avez adouci pour lui l’amertume de n’aimer plus une femme qui lui était très chère. Il m’a conté votre pitié, votre mot de pitié. Il m’a dit : « Mademoiselle Rhonans est meilleure qu’elle ! »