Page:Yver - Les Cervelines.djvu/256

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dépasse dix fois celui dont j’ai pu faire montre devant vous, — rien ne me sera plus flatteur que d’apprendre si je vous ai intéressé. Mes petites lycéennes m’écoutent en bâillant quelquefois ; je n’arrive à capter l’attention des femmes qui m’entendent à la conférence que par des artifices où se prend leur légèreté : je leur montre un bijou antique ; je dessine au tableau la ligne d’une tunique, ou je drape un voile au mannequin. Aux jeunes hommes qui m’écoutent, je fais la part de la psychologie dont ils sont friands. Mais si la forme de ma parole, les images dont je l’illustre, et surtout la pensée dont, à l’insu de mes auditeurs, j’en tâche de faire la substance, vous ont atteint et vous ont plu, cher ami, Croyez que là vraiment est mon succès, et que je n’en demande pas d’autre. »

Elle attendit impatiemment la réponse à cette lettre où il n’était pas un mot qui ne vibrât d’une pensée tendre. Elle vint de suite. Cécile disait :

« J’ai beau reconnaître sous votre plume la bonté qui lui dicte de tels encouragements, je ne parviens que plus difficilement à me croire, mon amie, moins indigne de vous. Votre bonté est une grandeur de plus qui vous éloigne de moi, et je ne vous en admire que davantage. Que dois-je paraître à vos yeux, avec ma petite science restreinte, ce doctorat, ce misérable grade dont la diffusion diminue le mérite, et qui nous donne quoi ? Le droit d’aller visiter des malades que nous ne pouvons guérir s’ils sont mortellement frappés. J’ai peur que vous n’ayez, vous, celui d’avoir de moi un grand dédain, et c’est ce qui me comble de confusion. Je voudrais à mon tour