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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/263

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à chaque coin de bouche le duvet ombreux des brunes.

— Vous n’en êtes pas fâchée, je suppose, maman ; j’ai bientôt trente-trois ans, j’ai besoin d’un intérieur ; ma vie n’est pas gaie tous les jours.

— Je crois, répondit-elle amèrement, que tu avais chez nous un intérieur tout prêt à te recevoir, quelle heure qu’il fût. Dans tes moments d’ennui tu aurais pu en profiter. Tu n’en as pas abusé.

— Quand on est homme, il faut un chez soi, maman, reprit-il doucement, plus ému que froissé de ce reproche de mère. La femme que j’ai choisie…

— Tu l’as choisie déjà ! dit-elle en s’efforçant de sourire ; vas-tu me la nommer ?

Elle était prise d’une curiosité attendrie et jalouse vers cette inconnue qui la ferait souffrir et qu’elle chérirait quand même, croyait-elle, sur le seul choix de Jean. Elle imagina une jeune fille du grand monde briochin, du grand monde dont elle était le fournisseur, et qui traitait avec elle sur un certain pied d’intimité, car cette riche marchande de race avait en elle cette distinction tranquille, la sapience calme, l’ordre moral absolu, qui faisaient d’elle comme le type de la bourgeoise provinciale. Plusieurs noms, plusieurs beaux visages d’héritières passèrent dans son orgueilleuse imagination maternelle. Jean la com. prit et trembla ; il dit :

— Vous avez entendu parler de mademoiselle Rhonans, le professeur du lycée Sévigné qui fait,