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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/27

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rue Thiers, toujours en vie ? Tu es prodigieux, Paul, je t’assure ; alors pas de mort aujourd’hui ?

— Si, une typhique, une jeune femme.

— Quel âge ?

Et elle pâlissait.

— Vingt-huit ans.

— Vingt-huit ans ! c’est affreux ; tu avais bien prescrit les bains froids, les lotions ?

— Tout, ma petite, sois tranquille, je sais mon métier aussi bien que toi. Que veux-tu ? Il faut pourtant que les malades meurent de temps en temps.

Il fit un geste de parfaite impassibilité ; un vrai geste de médecin qui connaît la mort, qui la touche, qui la viole, pour qui elle n’est plus qu’un accident, un résultat fatal et indifférent.

Henriette demeurait triste comme chaque fois que son frère perdait un malade. Il devait lui cacher la moitié de ses décès ; elle l’en aurait moins aimé. Elle dit encore :

— J’ai aperçu ton interne cette après-midi en me promenant.

Elle pressentait qu’il aimait Jeanne Bœrk ; et, selon ce qui arrive souvent entre frère et sœur très unis, elle participait de ce sentiment, elle s’y associait ; elle aurait voulu, comme s’y prend un homme qui fait sa cour, encenser et aduler cette inconnue dont elle était jalouse. Elle éprouvait envers l’étudiante, non pas de la sympathie, mais un besoin de conquête, le besoin de la gagner à Paul dont elle souhaitait passionnément le bonheur. Elle ajouta :

— Sa mise originale me plaît tout à fait.