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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/270

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troisième jour, lorsque Jean vint faire la tentative suprême, il fut convenu que, le magasin fermé, les parents iraient le soir entendre la conférencière.

Tranquilles et régulières, pendant ce temps, les lettres d’amour s’échangeaient. Longuement, avec la joie nouvelle de dire ces choses, Marceline les écrivait interminables. Sa table de travail étonnée la recevait penchée à demi sur le cher papier où elle pratiquait l’art suave et féminin de remplir et inonder d’amour des pages entières où le seul mot d’aimer ne se fût pas trouvé. Ces lettres étaient sa préoccupation constante. Ses cours de lycée, le devoir laborieux de ses journées lui devinrent à charge ; elle y était souvent distraite, pensant à ce qu’elle écrirait en rentrant. Et quand elle rentrait, plutôt que de se mettre au travail, elle trouvait le prétexte d’une fatigue pour prendre, avant ses livres, son papier à lettres.

Elle se répétait fréquemment : « Comme je suis heureuse ! »

Cependant le samedi, jour de sa conférence, arriva sans qu’elle eût le loisir de la préparer. Elle avait dans le courant de la journée des répétitions qui ne lui permirent pas de s’en occuper. Il lui vint le trouble du devoir pressant qu’on est dans l’impossibilité d’accomplir, et par-dessus tout régnait la joie, une sorte d’ivresse légère de voir Jean ce soir. Dans la rue, entre deux cours, chez elle, dans l’intervalle des leçons, elle essayait de construire en pensée la charpente de ce qu’elle dirait. On l’aurait vue se prendre le front dans la main pour mieux capter son imagination éparse : elle ne pouvait coordonner deux idées. Il n’y avait