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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/272

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s’était laissé vaincre. Elle sentit tout d’un coup ce qu’il était devenu pour elle. Plus tard, le souvenir de ce moment devait lui revenir et lui servir à mesurer combien ce sentiment d’aimer était entré en elle.

Pâle et tremblante comme elle ne l’avait jamais été en parlant, elle commença de rappeler le dernier cours. À cause des mots qui la fuyaient, il lui vint aux lèvres certaines tournures grammaticalement étranges qu’elle ne pensa pas répudier. Elle eut des répétitions de termes, des pléonasmes, des phrases tortueuses, toutes choses que d’ordinaire, dans sa coquetterie de parole, elle évitait par une recherche à demi précieuse. Ces incorrections, elle les percevait une fois dites, et il lui en vint une honte extrême, à cause de Cécile d’abord, et à cause de l’auditoire dont elle se ressouvint tout à coup, comme si elle eût en vérité oublié sa présence devant elle. Elle se mit à lire, mais avec l’impression d’avoir manqué ou terriblement gâté sa leçon d’aujourd’hui. De temps à autre, elle lançait à sa petite montre posée sur le bureau de rapides regards. Cette heure à couvrir d’une pensée qui la fuyait, d’une suite d’idées insaisissables, lui parut sans fin. Elle était si troublée de tout ce qui lui arrivait, que, lorsqu’elle voulut résumer en quelques mots sa lecture, elle s’arrêta net devant un terme introuvable.

Cette humiliation lui donna la plus terrible secousse. Elle se reprit après ce silence où il avait passé sur elle comme un ridicule. Elle n’avait pas préparé de notes où elle pût prendre un point de repère ; elle fit une conclusion rapide, — hâtive, bousculée ; et, quelques minutes manquant