Page:Yver - Les Cervelines.djvu/30

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hier soir. Je leur en veux, parce que ce ne sont que des fantômes de femmes, et qu’elles nous trompent ; et chaque fois que je pourrai en démasquer une, je le ferai ; j’arracherai le charme, et je mettrai à nu la matière cérébrale qu’elles ont sous leur corsage, et je dirai aux autres hommes. voyez-vous ce que c’est qu’une cerveline…

En articulant cela, il pensait à Tisserel, et à l’étudiante qu’il allait voir tout à l’heure. Ce qui le poussait, c’était autant la rancune que son amitié.

Il y a deux ans, son chef de service à Lariboisière, le célèbre Ponard, lui avait un soir téléphoné pour lui indiquer une garde à faire dans une maison neuve de la rue de la Pépinière. Il fallait partir sur-le-champ. Il pensa que c’était pour une diphtérie et ne changea rien à son costume d’internat. Il se munit d’une blouse et de deux journaux pour la nuit, sortit et sauta dans un fiacre qui passait.

En descendant devant l’adresse indiquée, il nota la somptuosité de l’architecture, les loggias à chaque étage, l’emploi de la pierre de taille dans la façade, l’ampleur des balcons, et il s’en alarma, car il n’aimait pas les gens très riches. Sa timidité les redoutait, l’assurance que donne l’argent mortifiait sa gaucherie ; la plupart du temps, il sentait son savoir, sa valeur nuls pour eux.

Au quatrième étage, l’ascenseur s’arrêta : les portes de verre jaune s’ouvrirent et un domestique à faux col glacé apparut devant lui, demandant :

— Monsieur est l’interne de monsieur le docteur Ponard ? Monsieur vient pour Madame ?