Page:Yver - Les Cervelines.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XX

En arrivant à Briois, en se retrouvant chez elle, Henriette Tisserel, la petite poitrinaire, s’était crue guérie. Elle n’eut plus cette jalousie horrible de ceux qui se sentent condamnés à mort, contre les heureux possesseurs de la santé et de la vie. À intervalles, Jean Cécile venait la voir ; il l’avait trouvée la première fois si défigurée et ravagée par la maladie, si méconnaissable dans son lit où elle vivait inerte, sans un souvenir de force, que, pris d’une pitié désolée et croyant revoir dans ce pauvre petit visage la fillette qu’il avait vue grandir boulevard Gambetta, il lui prit les mains qu’il couvrit de baisers. Ce fut un artifice spontané, pour que son émotion n’éclatât pas. C’était l’époque où il sentait le plus fort pour Marceline ce penchant et cette sensibilité attendrie, non encore avouée, qui le rendait, comme jamais, nerveux, impressionnable et vibrant. Il se demandait s’il n’allait pas quitter brusquement la chambre pour cacher à la sœur et au frère ce qu’il ressentait devant cette mourante. Après ce geste, il se reprit assez pour dire qu’il la trouvait en bonne voie de gué-