Page:Yver - Les Cervelines.djvu/312

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rison. Il laissa Henriette apaisée et heureuse, se disant « Quand je serai tout à fait rétablie, je serai sa femme ! »

Chaque fois qu’il revenait, Jean ne pouvait se défendre envers elle d’une sorte de bonté câline, il la sentait redevenue petite, il savait que sa vie ne se chiffrait plus que par jours ; il la respectait et l’aimait comme un enfant et, en vérité, elle n’était plus guère autre chose avec ses petits désirs, ses petites pensées courtes, ses petits sourires, ses larmes fréquentes. Sa vue lui faisait un chagrin atroce, et le courage lui manquait pour aller la voir plus souvent ; mais chaque fois qu’il prenait sur lui d’aller contempler le spectacle déchirant de cette ruine vivante, il apportait à son lit des bouquets blancs comme un fiancé. Ils causaient ensemble pendant quelques minutes où il lui contait des choses plaisantes ; puis après, dans le jardin, Tisserel et lui avaient des colloques affreux sur la probabilité des jours qu’elle pouvait durer encore. Une fois, le malheureux Paul, hors de lui-même à force de souffrir devant cette agonie lente, se mit à confier à Jean l’aveu de sa sœur, la nuit de leur voyage : « Elle t’aime, tu sais, Cécile. » Cécile le savait, mais personne ne le lui avait encore dit ; cette certitude lui parut intolérable : « Tais-toi, dit-il, tais-toi, tu me tues ! » Et lui, qui ne croyait pas à Dieu, prêtait à cet instant une personnalité véritable au sort qu’il maudissait.

Il espaça ses visites. Ce fut à ce moment qu’il obtint l’amour de Marceline.

Mais Henriette répétait à son frère : « Pourquoi n’as-tu pas redemandé mademoiselle Bœrk ? J’ai