Page:Yver - Les Cervelines.djvu/314

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Sa force de désir vers du bonheur à venir était trop vivante en elle pour accepter la destruction de la mort. Elle cherchait, dans l’épouvante de sentir le monde présent lui manquer, un terrain où établir la pérennité de sa jouissance d’être. Elle pensa à la religion ; non pas dans cette douce piété de jeune fille, facile et poétique, qu’elle avait jusqu’ici connue, mais dans une violence d’effort tragique vers Dieu. Elle demanda un prêtre. Paul blémit à cette pensée ; il n’aimait pas les prêtres ni le Dieu qu’ils servent, parce que, chose étrange, ce Dieu auquel il ne croyait pas ne lui avait pas guéri sa sœur. Mais, dans la crainte de peiner le moindrement Henriette, sans mot dire, il envoya chercher le vicaire de la paroisse.

C’était un jeune abbé élégant et parfumé, portant sous la soutane faux-col et manchettes glacés. On l’introduisit dans la chambre d’Henriette qui était demeurée, malgré le désordre de la maladie, pleine d’art et de goût. Il parut, d’un coup d’œil à l’entrée, s’intéresser au détail de l’ameublement ; il portait un binocle ; il s’en servit pour analyser le style des tentures et leur harmonie avec les bibelots qui paraient les tables.

— Vous êtes bien souffrante, mon enfant ? dit-il à Henriette.

— Je crois que je vais mourir bientôt, répondit-elle exténuée.

Elle aurait voulu lui raconter ce qui se passait en elle à cette pensée, lui communiquer l’horrible sensation dont elle était la proie, et lui demander sa compassion, mais il reprit, les yeux fermés, comme cherchant en sa mémoire :