Page:Yver - Les Cervelines.djvu/324

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Il surprit seulement ceci que chuchotait Henriette, croyant que Jeanne l’entendait seule.

— Quand je ne serai plus là, mademoiselle Bœrk, vous essayerez de consoler mon pauvre Paul.

— Henriette fit-il sans pouvoir retenir ce cri.

Il étouffait de tout ce qui s’agitait en lui à ces paroles ; Jeanne se releva, se retourna vers lui, et tous les trois virent qu’ils se comprenaient.

— Je vous trouve bien mieux que je ne pensais, dit Jeanne avec douceur ; pourquoi vous inquiétez-vous à tort, mademoiselle ?

Henriette reprit :

— Je voudrais voir heureux tous ceux que j’aime.

Les yeux hardis de l’étudiante fléchirent sous le regard de Paul ; il n’avait pas fait un geste ni murmure un mot, mais une dernière fois, bouleversé par la prière d’Henriette, devant Jeanne il était repris inconsciemment par le charme de sa beauté. Et quand il la vit fuir ses yeux, détourner la tête, et comme perdre son orgueilleuse rigueur, il eut la pensée rapide de l’avoir enfin émue.

Il se passa de lourdes secondes. Il cherchait le sens de ses moindres mouvements, il la vit se pencher de nouveau sur Henriette et crut à une effusion que de pareilles choses, réunies dans un tel moment dans son cœur, eussent pu lui arracher. Mais au lieu des baisers qu’il attendait, il découvrit le soin très minutieux qu’elle avait de boulonner au cou de la malade la chemise de nuit entr’ouverte sur la gorge striée de maigreur. Ses yeux ne la quittaient plus ; ils quêtaient son