Page:Yver - Les Cervelines.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXI

La jeune bonne qui servait Mlle Rhonans fut très étonnée ce jeudi-là de l’ordre que lui donna sa maîtresse d’avoir à commencer dans la maison les nettoyages minutieux et périodiques que connaissent les ménagères. Elle rappela qu’on attendait d’ordinaire le printemps et l’automne pour ces lourds travaux, et que d’ailleurs, les femmes de service qui l’aidaient dans ces circonstances n’étaient pas averties. Mais Marceline la stupéfia bien davantage en déclarant qu’elle-même, cette fois, l’aiderait. En même temps, elle s’enveloppa de tabliers et commença de démonter sa bibliothèque, dont elle époussetait les livres un à un. Elle allait avec une prestesse étourdissante, on n’aurait pu suivre ses mouvements. Rouge et haletante, elle battait de toute sa force les reliures classiques, les brochures grises, les cahiers, les lèvres un peu serrées de dégoût seulement, dans la poussière qui volait en nuages autour d’elle. Les mains fines noircirent ; elle les plongea dans les éponges équivoques que, maladroitement, mais avec une frénésie de travail physique, elle promena sur les rayons de bois blanc dénudés.