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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/338

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rés vont se lever dans votre souvenir, et vous accuser, vous reprocher tristement votre oubli !

« Si je vous disais que je ne vous aime plus, Jean, je mentirais. Tâchons de nous enlever l’un à l’autre. Je vais quitter Briois sans doute, et nous ne nous reverrons plus. L’absence nous consolera. Vous m’oublierez, croyez-moi, avant que je vous oublie… — il y a une fidélité vivace chez les femmes… — Qui sait même ! Nous n’avons connu de l’amour qu’un prélude, une initiation subtile et fugace, il s’en dégagera longtemps un parfum de regret, la poésie de ce qui n’a pas été. Peut-être ce nuageux sentiment, qui fut beau et à peine effleuré comme un rêve, vous laissera-t-il plus inconsolé par tout l’inconnu qu’il cachait en lui, que d’autres expériences. En tout cas, je vous promets ici, cher ami, et pour toujours, une inlassable affection. Je forme pour votre bonheur les vœux les plus émus, les plus tendres. Je veux que vous rencontriez en une autre femme la compagne que je ne pouvais être pour vous. Je la veux bonne, aimante, capable de vous appartenir tout entière… »

Cécile, avec un flegme apparent, replia la lettre qu’il glissa sous l’enveloppe, en murmurant dans un effort :

— Voici pour le numéro trois ; je demande une quatrième Cerveline !

Puis il s’enferma dans sa chambre, et se jeta tout habillé sur son lit où il mordit les draps de douleur. L’analyse spécieuse qu’était cette lettre, il ne l’avait pas comprise. Une seule chose lui était intelligible Marceline se refusait à lui. Tout ce qu’il avait imaginé de bonheur avec elle s’effon-