Page:Yver - Les Cervelines.djvu/339

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drait. Celle qui lui avait dit un jour : « Je suis votre fiancée » ; cette austère fille qui lui avait une fois tendu sa joue à baiser, et qui lui avait promis, en lui montrant le grand panorama noir de Briois dans la nuit : « Nous vivrons là, nous étant tout l’un à l’autre… » Cette jolie Rhonans qui avait été pendant plus d’une semaine si promise à lui qu’il lui avait voué cette chambre où il la voyait sans cesse en pensée, n’attendant plus que le moment de l’y amener, elle avait oser lui écrire : « Nous ne nous reverrons plus ! »

— C’est ma faute, pensait-il ; je savais qu’on ne les aime pas. Quand elle m’a dit : je ne suis pas une Cerveline, je l’ai crue. J’ai fait de la psychologie à mes dépens ; mais quelle riche étude.

Puis il reprenait avec moins d’ironie :

— Je l’aimais bien… d’une si singulière façon ! La source de mon amour était en elle, non pas en moi. Je l’aimais comme je n’aurais pu aimer aucune autre femme, d’un amour étrange comme elle.

Quand le premier tumulte de son chagrin fut calmé, il reprit la lettre, et seulement alors en suivit la pensée, logique et implacable. Elle l’écrasait de son raisonnement. Il n’avait rien à espérer de le combattre. Un seul mot fit couler en lui des ondes de joie, quand il le relut : « Si je vous disais que je ne vous aime plus, Jean, je mentirais. » Est-ce que d’une femme qui écrit cela, quand même son omnipotence de logique vous bannirait, on ne peut pas encore tout attendre ?

Alors, il se hâta de réparer le désordre de sa tenue et de sortir. Plusieurs cas graves l’attendaient en ville. Il les oublia et prit une voiture