Page:Yver - Les Cervelines.djvu/351

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le pavé se faisait derrière eux, puis la cohorte noire s’allongeait de toutes les femmes venues pour suivre à pied, religieusement, et finissait par la file cahotée des voitures, avançant une à une. Et toute cette masse bougeante mise en mouvement péniblement, s’allongea lentement, derrière la petite chose étroite et sans poids qu’était dans le cercueil le corps d’Henriette.

Par les rues montantes, le long cortège gagna le boulevard. Il poudroyait sous le soleil ; l’air léger sentait le printemps ; sur le bleu tendre du ciel, les platanes dessinaient déjà une ramure gonflée de sève. Tiré par ses chevaux, lentement, en secousses régulières, le char agitait en l’air les broderies d’argent scintillantes de son baldaquin et ses cinq panaches blancs qui flambaient de lumière. On le vit tourner la rue qui mène au cimetière, pendant que la foule sombre étalait encore sur le boulevard sa large traînée fourmillante. Jean Cécile voyait toujours la figure de cire qui dormait au fond de cette cathédrale d’étoffe ambulante, et qu’il évoquait comme le symbole de la plus douce, de la plus touchante tendresse féminine. Il murmura :

« L’amour s’en va ! »


6084.25. — Corbeil. Imprimerie Crété.