Page:Yver - Les Cervelines.djvu/350

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On s’informait de bouche en bouche du nom de la défunte, et sur la nouvelle que c’était une jeune poitrinaire riche, la pitié se propageait.

Dans l’église, Jean se tint debout près de Tisserel. L’assistance avait les yeux curieusement fixés sur eux. Paul, rigide, les bras croisés sur sa poitrine, était impassible ; il retenait ses larmes et regardait, droit devant lui, la grille du chœur. Cécile écoutait les chants liturgiques. À sa gauche, dans l’architecture brasillante des cierges, il devinait le catafalque blanc, brodé d’argent. On chanta le Dies iræ que là-haut, dans le clocher, le tonnerre du glas scandait à quatre temps ; il en suivait la mélodie pathétique au fond de lui-même comme s’il l’eût chantée. Et quand il avait cessé de regarder l’allée et venue des officiants vêtus de noir, dans le chœur, il se retournait vers le catafalque et se disait avec la terreur du néant où il ne doutait pas qu’elle fût couchée. pour jamais : « Pauvre petite Henriette ! »

Quand on sortit, en descendant lentement la nef, il vit contre un pilier la belle forme drapée de deuil de Jeanne Bœrk. Il ne l’avait jamais connue pâle et défaite comme elle était ici ; son visage, au masque modelé blanc et rose, était marbré et blême. Elle avait pleuré. Près d’elle, celle qu’il avait failli n’apercevoir pas, Marceline priait à genoux, si profondément pensante qu’elle ne voyait personne ; il la regarda longuement et dut la perdre de vue en suivant la foule. Ce fut la dernière vision d’elle qu’il devait avoir.

Dans la rue, le char s’ébranla et se mit en marche. Tisserel venait derrière, tête nue ; Jean ne le quitta pas ; un piétinement d’hommes sur