Page:Yver - Les Cervelines.djvu/65

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leur état, leur annonçait la guérison avec une bonne humeur qui les attendrissait. Chacune se croyait l’objet de sa grande préoccupation, chacune lui prêtait, à l’égard de soi-même, une sensibilité d’ami, de bon ami ; le temps qu’il parcourait la salle, ces yeux de femmes ne le quittaient pas, suivaient tous ses mouvements, l’enveloppaient amoureusement, l’attendaient avec délice. « Il est si bon, monsieur Tisserel ! » répétaient-elles du matin au soir. Mais aucune n’avait rêvé de lui, ne s’était éprise de toutes ses forces de petite moribonde comme la jeune fille dont la résistance à la méningite aiguë avait fait un cas si exceptionnel. À le voir s’attarder près d’elle chaque matin, revenir parfois exprès pour elle à la contre-visite de quatre heures, suivre ses souffrances avec une sollicitude grave et dévorante, s’épuiser pour elle en des diagnostics inimaginables, elle s’était crue préférée aux autres, et sa reconnaissance débordait. Dans ses crises atroces de céphalalgie, elle ne répétait, ne criait que son nom. Il était pour elle le tout-puissant guérisseur et la toute bonté.

— Mademoiselle, fit Tisserel en se tournant vers l’interne, voulez-vous me permettre de vous présenter mon ami, le docteur Jean Cécile.

Elle tendit sa grande main :

— Bonjour, monsieur.

Blonde comme Eugénie Lebrun, et comme elle, belle personne, elle n’avait ni la finesse artistique des traits de l’autre, ni sa grâce parisienne. Cécile en fut frappé dès cet abord. Le raffinement excessif de celle qu’il oubliait maintenant lui apparaissait aujourd’hui mieux que