Aller au contenu

Page:Yver - Les Cervelines.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Vous reconnaissez le son mat en percutant ; maintenant, promenez l’oreille au sommet de la poitrine, au-dessous de la clavicule gauche. N’entendez-vous pas ? (Comptez jusqu’à neuf, ma petite, de toutes vos forces.) — N’entendez-vous pas comme le bruit d’un grain de sable tombant dans une assiette d’étain ?

— Oui, oui, oui, criait l’autre, dans un triomphe naïf ; j’entends ! j’entends !

Jeanne Bœrk, se penchant à l’oreille de Cécile, murmurait :

— Le râle caverneux, le gargouillement, le tintement métallique intermittent, c’est l’excavation pulmonaire en plein. Il a de la chance, pour un début, de tomber sur un sujet aussi typique ; de mon temps on n’en pouvait trouver ; il a fallu me seriner théoriquement la leçon de Laënnec pendant des semaines sans un exemple.

Tisserel revenait vers eux.

— J’ai rarement vu d’auscultation aussi belle ; c’est mademoiselle Bœrk qui me l’a découverte, je dois l’avouer. Elle a parfaitement diagnostiqué tout ce qu’il y a là.

Et il regardait vaniteusement, complaisamment, cette superbe fille dont il était le maître, et qui le précédait quelquefois dans la connaissance de la maladie, sans qu’il en eût d’autre sentiment qu’une joie profonde d’amoureux.

Alléché dans tous ses appétits de médecin par ce qu’il entendait dire, Cécile ne put se retenir d’approcher du lit ; il fit coucher la malade, la questionna de sa voix creuse et lente ; s’informa de son état fiévreux, de sa toux, même de son métier et de son âge. Elle était journalière