Page:Yver - Les Cervelines.djvu/75

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chée à un poignet de fillette, le tout d’une finesse d’aristocratie très accentuée. Elle s’appelait en réalité, Marceline de Rhonans. Son père était un fonctionnaire haut placé dans le Midi ; mais comme elle s’était séparée de sa famille volontairement, pour suivre sa carrière, elle avait aussi détaché de son nom. la particule patronymique, délibérément, ainsi qu’elle faisait toutes choses, sans qu’on sût pourquoi.

— Ce mois de juin est étouffant ici, fit l’étudiante en se couchant paresseusement sur le bras de son fauteuil.

Pourtant, le salon de Mlle Rhonans était plein d’une fraicheur agréable ; depuis le matin, les persiennes y étaient tenues closes, avec les fenêtres ouvertes ; il y entrait une sorte de couleur verte et dorée qui venait des arbres du boulevard poudrés de soleil, et tout était baigné dans cette demi-ombre peinte : la tapisserie en papier velours gris perle, le piano drapé de soie orange, les photographies, et, sur la cheminée, le cadran de la pendule Louis XVI porté par quatre cariatides en marbre blanc, dont les poignets étaient cerclés d’or. Le tapis semblait noir ; aucune fleur parmi les bibelots, mais un petit bananier qui ondulait imperceptiblement au vent coulis des persiennes.

Rien n’est exquis comme, par une journée chaude, ces petits salons où le jour et la chaleur ne font que filtrer ; rien ne vaut les volets fermés, le silence béat de ces pièces obscures ; mais ici, quelque chose s’ajoutait encore à ce bien-être : c’était la présence de la puissante âme féminine